Extrait du livre Cléopâtre
Cléopâtre Isabelle Wlodarczyk & Clémence Pollet aux éditions Amaterra
Cléopâtre Reine d'Égypte
Dans le port désert d’Alexandrie, une barque vogue entre les récifs.
Apollodore de Sicile est à la barre. Guidé par les étoiles et la lumière du phare, il vient de franchir le cap Lochias. L’embarcation avance sans bruit en direction du palais royal. — Ma Reine, murmure Apollodore, nous arrivons. Cléopâtre, la Reine d’Égypte, s’est tapie sous les cordages de la misérable felouque. — À présent, exige-t-elle, enroule autour de moi le tapis que je t’ai demandé d’apporter. Personne ne doit me voir. — Ne crains-tu pas d’être démasquée ? Il est encore temps de fuir. — Fais-moi entrer au palais et je reprendrai mon royaume. Apollodore sait qu’il est inutile de s’opposer à la volonté de son amie. Il la cache au creux du tapis, la porte sur son dos et frappe aux portes de la citadelle. — Je sais que César est arrivé de Rome, je lui apporte un présent ! annonce-t-il aux gardes d’une voix faussement assurée. Ouvrez-moi !
On le laisse entrer. Le cœur battant, il parcourt plusieurs pièces, dépose le tapis aux pieds du Romain et repart aussitôt. Cléopâtre roule sur le sol et apparaît face à l’Imperator. Elle est vêtue d’un voile transparent et porte des sandales ornées de rubis. — C’est une reine en exil que tu vois à tes pieds ! Mon frère Ptolémée XIII et ma sœur Arsinoé m’ont écartée du pouvoir. Rétablis-moi sur mon trône et je te serai utile ! César est subjugué par son audace et sa beauté. Il lui fait la promesse d’exaucer son vœu, dès le lendemain. Ils s’endorment l’un près de l’autre. Dès l’aube, les pêcheurs et les vendeurs d’épices se pressent dans le port.
Pendant que la majestueuse Alexandrie s’anime, César et Cléopâtre sont lovés l’un contre l’autre sur un lit à la parure tissée de pourpre et d’or. — Arsinoé et Ptolémée ne vont plus tarder, s’amuse l’Imperator. J’ai envoyé un messager pour les prier de me rejoindre. Ils ignorent que tu es là. La Reine picore des baies à l’eau de rose et sourit. Elle sait que son avenir se jouera dans les minutes à venir, mais elle ne montre rien de ses peurs. Tout juste tressaille-t-elle quand ses deux ennemis font irruption dans la pièce. — Que fait-elle ici ? s’indigne Arsinoé. — J’ai reçu une visite surprise, cette nuit, répond César avec malice. Je me doute que vous êtes heureux de revoir votre sœur.
Il ne laisse pas le loisir à ses hôtes de protester. — Il me paraît indispensable qu’un roi et une reine gouvernent ensemble. Ptolémée, à sa mort, ton père t’a désigné pour régner avec Cléopâtre, et il en sera ainsi. Le jour même, le rétablissement de la jeune femme sur son trône est annoncé au peuple d’Alexandrie et un somptueux festin est servi au palais royal. Les Alexandrins approuvent la décision de César. Ptolémée fait mine d’être satisfait. Mais dès qu’il quitte la pièce, il se réfugie dans sa chambre. De rage, il déchire ses vêtements, jette sa couronne sur le sol et hurle : — Elle veut le pouvoir, elle aura la guerre ! Cléopâtre observe la ville depuis les fenêtres du palais.
Le spectacle est terrible. Ptolémée a soulevé le peuple contre elle et une guerre civile a éclaté. La jeune femme trépigne, si elle le pouvait, elle irait se battre, elle-même. — Il nous faut riposter, peste-t-elle. C’est mon royaume et je ne peux laisser mon frère m’humilier davantage. — Nous n’avons que deux légions, lui répond César. J’attends des renforts du roi Mithridate. L’armée de Ptolémée dispose de bien plus d’hommes que nous ! Sans compter le peuple qui se bat à ses côtés. — Si nous n’avons pas d’armes, détruis les leurs. Brûle la grande flotte d’Égypte ! Sans quoi elle se retournera contre nous. L’ordre est donné. Déjà des vaisseaux se consument et le feu se répand sur le quai, dans les maisons. Il gagne la bibliothèque et des milliers de parchemins sont réduits en cendres. Alexandrie se meurt dans les flammes. — Pourquoi nos alliés sont-ils si lents à nous secourir ? s’impatiente Cléopâtre. — Ils approchent, répond César avec aplomb. Je vais moi-même aller à leur rencontre. Dès qu’ils seront là, nous terrasserons nos adversaires.
