Extrait du livre Hôtel Bordemer Tome 2 : Drôles d'oiseaux
Hotel Bordemer, une serie de 11 romans écrits par Fanny Joly Editions Fanny Joly Numerik Tome 2 : Drôles d'oiseaux
Dans ce livre c'est moi Rosy Lengrais qui raconte l'histoire. J'ai 10 ans.
Chapitre 1 Parfum de rentrée Moi, c'est Rosy. Rosy Lengrais. J'ai dix ans mais tout le monde me donne plus parce que je suis grande, très grande... Attention ! le premier qui dit : « grande comme une asperge » ou bien : « Rosy Lengrais, on t'a mis de l'engrais dans tes biberons », il a intérêt à faire attention à ses fesses parce que je ne supporte pas qu'on dise ça et je fais du karaté ! Enfin, disons que, du karaté, je n'en fais pas vraiment mais j'en ai vu à la télé et je me suis entraînée devant la glace. Et comme je suis douée pour tous les sports, je ne vois pas pourquoi je ne serais pas douée pour le karaté. D'ailleurs, la dernière fois que Georges-Albert m'a traitée de « grande asperge », ça lui a coûté très cher : une poignée de cheveux, un coup de pied au derrière et au moins... presque une matinée entière sans que je lui adresse la parole. Non mais ! De qui se moque-t-on, dans cet hôtel ? Ce n'est pas parce que je suis la petite-fille du jardinier et que je vis dans une ancienne cabane à lapins au fond du jardin, que monsieur Georges-Albert peut se permettre de me parler sur ce ton. Entre parenthèses, je préfère vivre dans notre cabane qu'à l'hôtel, au milieu des clients qui n'arrêtent pas de s'agiter, de faire déborder les baignoires et de réclamer tout et n'importe quoi. Surtout que notre cabane, mon grand-père l'a aménagée comme un vrai palais. Il m'a même installé des espaliers, une corde à nœuds et des anneaux pour m'entraîner dans ma chambre. Et moi, au moins, quand je me mets à quatre pattes dans le coin avant gauche de mon lit-mezzanine, je vois la mer ! Alors que Georges-Albert, lui, il voit le mur de la cour ! Georges-Albert, c'est le fils du patron de l'hôtel Bordemer, là où j'habite avec Péjo, mon grand-père. Pourquoi je vis avec mon grand-père ? Parce
que mes parents ne restent jamais deux jours au même endroit : ils vendent des fleurs sur les marchés. Pas le même genre de fleurs que celles que Péjo fait pousser ici, dans le jardin de l'hôtel. Mes parents vendent des fleurs coupées. Tandis que, les fleurs de Péjo, personne n'a intérêt à y toucher ! Même M. Bordemer, le patron, quand il veut faire un bouquet pour son hall d'accueil, il vient sur la pointe des pieds demander la permission d'en couper quelques-unes. Et la plupart du temps, Péjo dit non ! Alors voilà. Je vis avec mon grand-père et c'est très bien comme ça parce qu'il est supergentil, surtout avec moi. Mes parents passent nous voir de temps en temps, en coup de vent ou en courant d'air, je ne sais jamais comment on dit. En tout cas, c'est très bien ainsi parce que mes parents, je les adore mais ils ont un gros défaut : ils veulent toujours savoir comment je travaille à l'école ! On dirait que ça les passionne. Ça tombe mal parce que, moi, l'école c'est Justement une des seules choses qui ne me passionnent pas, mais alors pas du tout ! J'y vais parce qu'il faut y aller. Mais quand j’en sors, Je n'ai vraiment pas envie d'en parler ! Il y a tellement de choses plus intéressantes dans la vie, je ne sais pas moi les vacances, le sport, les ballons, les copains, la mer, les glaces, les jeux, les films policiers, la gym, la télé... Franchement, l'école,
à côté, ça ne fait pas le poids ! C’est obligatoire jusqu'à seize ans, il paraît. Au début, j'ai cru que Georges-Albert avait inventé ça pour m'embêter, mais non, Guitte me l'a confirmé ! Guitte, c'est la femme de chambre de l'hôtel Bordemer. Elle est chouette, sauf quand elle s'est couchée trop tard la veille au soir. Dans ces cas-là, il ne vaut mieux pas se trouver le lendemain sur le chemin de son aspirateur. Elle adore les danseurs, les chanteurs, les acteurs ...et les amoureux qui font battre son cœur ! Depuis que je la connais, elle en a eu moins… je ne les ai pas comptés, mais plusieurs ! Quelquefois, quand elle ne sort pas danser en ville, elle m'invite dans sa chambre, là-haut, sous les toits, et on danse avec Bébé-Lu, son bébé. J'adore ça. Et lui aussi ! Quand on le prend dans nos bras pour le faire sauter, il rit aux éclats... Ces jours-ci, pourtant, je n'ai pas vraiment envie de rigoler, parce qu'on arrive dans la période de l'année que je déteste le plus. Vous avez deviné : la rentrée ! On dirait que le soleil est au courant. Chaque été, vers la fin d'août, il commence à se cacher derrière les nuages. J'aimerais bien en faire autant. Ça m'éviterait de voir les clients boucler leurs valises et Georges-Albert préparer son cartable ! Aaah ! Georges-Albert et son cartable ! Quel spectacle ! Il faut le voir nettoyer sa gomme, faire briller ses stylos, tailler ses crayons un par un en tirant la langue tellement il s'applique ! Et pas moyen de le faire décoller de son tabouret ! J'ai beau lui proposer un basket, un volley, un foot, une pétanque, ou même un Scrabble (au Scrabble, évidemment, il me ratatine chaque fois !), monsieur préfère feuilleter ses livres et ses cahiers. Et si je reste à côté de lui, il passe son temps à me parler des maîtres sur lesquels je vais tomber. Il en
profite. Pour ce qui est de l'école il connaît tout par cœur. Il est en avance et, moi, disons que je suis... un peu en retard ! Mais à l'école, uniquement ! Chapitre 2 Pivert et Pivert L'affaire Pivert a commencé un lundi matin. Le dernier lundi avant la rentrée... C'est terrible, quand il ne reste plus qu'un mardi, qu'un mercredi, qu'un jeudi avant la reprise des cours. J'ai l'impression qu'on me poussé à reculons sur un toboggan qui file en pente raide vers une salle de torture... Bref, j’étais sur la terrasse avec Georges-Albert. Il dévorait son livre de maths en rêvant sans doute à tous les problèmes qu'il allait bientôt pouvoir
résoudre avec délices... Moi, je regardais la mer danser sous les rayons du soleil, en pensant à tout ce qu'on pourrait inventer pour s'amuser au lieu de rester plantés là... « Dis donc, Georj a (c'est le petit nom que je lui donne quand je veux l'amadouer. En général, ça ne marche pas), qu'est-ce que tu dirais d'un jeu de piste sur la plage ? Moi, je cacherais un trésor et, toi, tu... » Il a levé le nez de son bouquin, l'air fatigué d'avance. « Un jeu de piste !? Quelle idée ! ! Tu ne veux pas plutôt que je t'aide à préparer TON cartable? » J'ai cru m'étrangler. « Mon cartable ? T'es fou ou quoi ! ! ! Pourquoi je préparerais mon cartable ? J'ai celui de l'année dernière, ça me suffit... » Georges-Albert a haussé les épaules. « Tu as vu la tête de ton cartable de l'année dernière, ma pauvre fille ? Tu as intérêt à ranger, à trier, et puis il te faut forcément des livres, des fournitures des cahiers neufs... - Attends, je ne vais quand même pas gâcher mes vacances du moins ce qu'il en reste, avec une histoire de cartable ! De toute de façon, si on n'a pas tout le jour de la rentrée, on n'est jamais puni, alors... » II a replongé dans son livre de maths. « Pffff ! T'es vraiment indécrottable ! » Tandis que je me creusais cervelle à la recherche d'une idée lumineuse qui le séduirait un taxi s'est arrêté dans la rue devant l'hôtel. Jusque-là, rien d’anormal. Mais les deux silhouettes qui en sont sorties m'ont fait oublier Georges-Albert et notre pauvre discussion de cartables et de rentrée. La première silhouette était apparemment celle d'une femme en forme de boule, aussi large que haute et vêtue d'un grand et long coupe-vent rouge. La seconde un grand escogriffe coiffé d'un chapeau à large bord et habillé tout en gris. Le chauffeur de taxi est descendu pour les aider à décharger un nombre si impressionnant de valises, de sacs, de paquets que j'ai renoncé à les compter. J'ai donné un coup de coude à Georges-Albert. « Hé ! Tu as vu ? Ils vont s'installer ici pour le reste de leur vie, ceux-là, ou quoi ? » Georges-Albert a jeté un coup d'œil distrait. « Mmmhhh... » Ils ont commencé à avancer dans l'allée, chargés comme des baudets. Georges-Albert a refermé son livre. Il y avait de quoi. L'homme, raide comme une statue, sec comme un arbre en hiver, ressemblait à un militaire en train de défiler. La petite femme trottinait derrière. Elle faisait six pas quand il en faisait trois. Quelques longues mèches de che-