Extrait du livre Max et Rachid
Max et Rachid d'Anne Loyer et Morgane David aux éditions Kilowatt
Chapitre 1 Rachid est arrivé hier. Moi, j'étais sur le pas de la porte pour l'accueillir. Bras ballants et sourire aux dents, Maman m'a bien fait la leçon : - Tu dois être gentil, poli et chaleureux.
Alors je n'ai pas bougé avec mon sourire de façade. Il est descendu du taxi et avec lui toute une ribambelle d'images télévisées. Car Rachid vient de Paris. Il habite un quartier difficile. Un quartier comme on en voit à la télé, où les voitures brûlent et où les pompiers ne sont pas toujours les bienvenus. Des images violentes qui passent aux infos que je regarde avec Fanny. Fanny c'est la voisine. C'est elle qui me garde quand maman n'est pas là. Parfois, je vais même dormir chez elle quand maman travaille de nuit. Fanny a une vieille maison, avec une grande cheminée en pierre. Et moi je dors en haut, dans une petite chambre sous les toits. Il y a une échelle, pas de volets et pas de porte. Je m'endors avec la télé en fond sonore et les étoiles au fond des yeux. Chez moi ce n'est pas comme ça. C'est une maison neuve.
J'ai ma chambre à moi. Maman aussi a sa chambre et puis il y a une cuisine, minuscule mais indépendante. Et surtout, il y a une vraie salle de bain avec baignoire et machine à laver le linge. Alors que chez Fanny, on se lave dans l'évier devant une glace toute piquetée de noir. Pourtant elle a une douche. Mais elle ne s'en sert pas. Elle dit qu'elle se lave mieux comme ça. Dans l'évier qui sert aussi à laver la vaisselle et le linge quelquefois. Chapitre 2 Rachid a jeté son sac à mes pieds. Il a planté ses yeux dans les miens et m'a lancé : - C'est toi le bouseux ? Du tac au tac je lui ai répondu : - C'est toi le rebeu ? Je me suis dit qu'on partait sur de bonnes bases ! Et que les belles paroles de maman
attendraient. Mon prénom ce n'est pas Bouseux bien sûr. c'est Maxime. mais Max ça suffit. Rachid, il a dut ça parce que j'habite à la campagne. Un coin perdu dans un village paumé. Voilà. Ça c'est ce qu'il pense. Mais moi j'ai presque toujours vécu ici. À l'ombre des montagnes et des sapins. Et j'y suis bien. Je vis là avec maman. Elle est infirmière. C'est pour ça qu'elle n'est pas souvent là. Elle fait des horaires compliqués. Mais, bon, moi ça me va bien. Je me sens libre. Et lorsque j'ouvre ma fenêtre, l'horizon me tient compagnie. Rachid, c'est une idée de maman. Maman, elle, elle n'est pas d'ici. Elle vient de la banlieue parisienne. Comme Rachid. Elle vivait dans une famille nombreuse. Un jour, elle a tout quitté. Ses parents d'abord, ses frères et sœurs ensuite, mon père après.
Je ne m'en souviens pas. On s'est installés ici, dans ce coin de verdure. Et elle a construit notre nid, comme elle dit. C'est en souvenir de son enfance qu'elle a eu cette idée pour mes vacances d'été. - Cette année, tu ne passeras pas les vacances tout seul. On va avoir un invité. Un garçon de ton âge va venir passer un mois avec nous. Cela lui fera le plus grand bien. Et à toi aussi... Il faut savoir partager. Elle m'a expliqué qu'une association offrait des vacances à des enfants, dont les parents ne pouvaient pas partir l'été, dans une famille d'accueil. - Tu verras, elle m'a dit, vous vous entendrez bien. Il s'appelle Rachid et il a dix ans, comme toi. Je n'ai pas eu mon mot à dire. Chapitre 3 Rachid s'est assis sur le matelas gonflable qu'on a installé dans ma chambre. Il n'a rien dit, il s'est juste assis dessus, et il a attendu. Quoi ? Je ne savais pas. J'ai regardé par la fenêtre pour faire quelque chose que j'aime bien. J'ai ouvert la fenêtre et j'ai laissé entrer le paysage, le chant des oi-